lundi 8 août 2011

De bouches à bouches

« La Motte- Picquet Grenelle » 

En lisant le nom de la station de métro, inscrit en grosses lettres blanches sur le panneau bleu, je ne pus m’empêcher de sourire.

Pour mon imagination plus que fertile, les balades en métro étaient devenues une sorte de jeu, un grand terrain vague sur lequel il pouvait s’évader. Avec ses 14 lignes de métro, ses RER et TRAM, Paris avait suffisamment de noms de stations différents pour alimenter mon esprit farfelu.

C’est lorsque j’étais descendue à la station « Champs de Mars » pour la première fois que mon imagination avait commencé à faire des siennes… Inutile de vous dire qu’il ne s’était pas fait prier pour me faire croire, qu’une fois les portes ouvertes, j’allais atterrir sur des cratères géants.

Puis, ça c’était gâté…

C’était plus fort que moi, toutes les fois que je passais devant les stations « Marcadet Poissoniers » et « Poissonnière », je retenais mon souffle comme si un effluve de crustacés allait envahir le wagon pour venir se mêler  à l’odeur déjà insupportable de transpiration qui y flottait déjà. Mon nez me chatouillait aussi à la station « Picpus » qui ne laissait rien présager de bon non plus pour mon odorat.

Certaines autres stations, de par leurs noms sombres et apocalyptiques, ne me donnaient pas envie d’y descendre. J’avais tout fait pour éviter de prendre les sorties «Filles du Calvaire », « Invalides », « Ternes » et « Rue des Boulets », quitte à marcher quelques mètres de plus en empruntant la bouche précédente. Même en compagnie de mon amoureux, j’essayais toujours de garder le silence quand le train passait à « La ferme » ou à « La Muette », comme si quelque chose de grave allait arriver si je ne respectais pas ce conseil judicieux.

En revanche, je me faisais toujours une joie de descendre à « Gaîté », « Plaisance » ou « Place de Fêtes » comme si de l’autre côté, m’attendaient une fanfare, des ballons et des gens sautillant partout. J’avais aussi l’impression que rien de mal ne pourrait m’arriver en descendant à la station « Libération » ou « Liberté » et même que quelque chose de bien allait se produire en sortant à  « Bonne nouvelle ».

À l’autre bout de la ligne 1, « La défense » m’avait au premier regard, semblé un quartier dangereux. Avant d’y mettre les pieds, j’y avais vu dans ma tête, des corps d’armée circuler avec des fusils sur les épaules. Barbelés, chars d’assaut et murs infranchissables faisaient aussi partie du portrait que mon cerveau avait inventé de toutes pièces. Je ne vous raconte pas mon soulagement lorsque je me rendis compte qu’il ne s’agissait que d’un quartier d’affaires.

Par ces chaudes journées d’été,  j’éprouvais toujours un certain plaisir lorsque le train s’immobilisait quelques instants à la station « Glacière », je pouvais presque sentir un petit vent de fraîcheur se faufiler par la porte du métro. Toutefois, je sentais la soif m’envahir à tout coup lorsque mon regard tombait sur la station « Noisy-le-Sec ».

J’avais aussi l’impression de me transporter dans un monde enchanté lorsque je descendais à  la station « Les Gobelins » où j’avais cherché, en vain, Gringotts. « Pantin » ne me faisait pas le même effet; je surveillais toujours mes arrières, comme si une marionnette diabolique allait soudainement surgir derrière mon dos.  

« Belvédère », « Sentier » et « Chemin vert », elles, me donnaient une envie de partir en randonnée alors qu’à « Odéon », le goût de voir un bon film me prenait. Il y avait aussi celles qui me donnaient l’impression de voyager à la vitesse de l’éclair comme « Pyramides », « Rome », « Place d’Italie », « Anvers » et « Argentine ».

Mon esprit tordu se faisait toujours un malin plaisir d’esquisser un sourire en passant devant les stations « La fourche », « Vavin », « Rue de la pompe » ou mon préféré « Bourg-la-Reine ».


Puis, il y avait ces stations qui venaient me rappeler que j’étais bien loin de chez moi. « St-Augustin » à laquelle je m’amusais à ajouter « de-desmaures » et « Bel-Air » où il ne manquait que le « Val ». Sans oublier « Mirabeau » qui, j’en étais certaine, était le jumeau masculin de la ville au nord de Montréal.

Finalement, mon train arriva à destination, le panneau bleu m’indiquait bel et bien qu’il s’agissait de ma sortie, puisque j’étais à « Issy ». 



©Marilyn Préfontaine