lundi 6 juin 2011

Une, deux, trois, quatre!


« Encore combien? », demandai-je à mon copain, à bout de souffle.


« Une dizaine et c’est fini », m’assura-t-il.  

Nous avions eu la bonne idée cet après-midi-là, d’aller nous promener dans Montmartre, mais pour atteindre la butte où nous attendaient cafés, crêpes et tableaux d’art, nous devions d’abord gravir la centaine de marches qui nous en séparaient.

Pas étonnant qu’il n’y ait pas beaucoup de gym dans Paris, les Parisiens en avaient un intégré à même la ville. Tous les escaliers à descendre ou monter pour prendre le métro, les acrobaties à faire pour éviter d’écraser les excréments canins et les distances à effectuer à pied pour se rendre à l’épicerie ou à la pharmacie étaient suffisants pour se tenir en forme. Si j’avais calculé chacun des escaliers sur lesquels j’avais posé le pied, j’aurais certainement cessé de me culpabiliser en avalant les petites douceurs que j’aimais rapporter de la pâtisserie du coin.

Si mes jambes se plaignaient moins et laissaient même entrevoir des muscles que je n’avais jamais vus, mes souliers eux souffraient beaucoup plus. En neuf mois, je devais avoir changé aux moins trois fois de chaussures différentes et pas seulement parce que la saleté avait pris le dessus, mais parce que les semelles ne remportaient jamais le combat contre les trottoirs inégaux de la ville.

Par chance, de nombreux escaliers roulants venaient à la rescousse des Parisiens qui avaient moins la forme et je l’avoue de mes pieds parfois engourdis après des heures de shopping.  Il y avait quand même une convention non écrite que tout bon Parisien se devait de respecter s’il voulait éviter de se faire piétiner : se tenir à droite dans les escaliers mécaniques pour laisser passer ceux qui sont trop pressés pour attendre une minute de plus. Gare à celui qui ne respecte pas la règle! J’avais même déjà vu un homme essayer d’enjamber en le bousculant un petit garçon d’à peine 4 ans qui s’était malheureusement positionné à gauche, bien qu’un mètre à peine ne le séparait de l’arrivée.

Cette fois, j’avais laissé mon filtre québécois de côté et pris la défense du petit bonhomme en interpellant le mal élevé.

« Vous auriez pu attendre monsieur, ce n’est qu’un gamin! »

Il s’était alors arrêté, furieux :

« Attendre! Attendre! Vous croyez que je n’ai que ça à faire attendre? »

Je n’avais pas osé lui dire que le temps qu’il avait pris à m’engueuler était exactement le temps qu’il avait sauvé en passant par-dessus le pauvre petit garçon…

« Enfin! » dis-je en atteignant la dernière marche. « On se trouve une terrasse où se poser? »

Soudain, le visage de mon copain changea.

« J’ai oublié la carte bleue… »

Eh merde!

« OK, on redescend, mais on prend le funiculaire pour remonter! »

©Marilyn Préfontaine