lundi 9 mai 2011

Frites, sauce, fromage


« Je vais prendre la soupe à l’oignon gratinée, la raclette nature et la mousse au chocolat en dessert », commandai-je en me léchant les babines.


Mes papilles frétillaient déjà…

S’il y avait une chose que j’adorais de la France, c’était bien la nourriture! Depuis mon arrivée, je m’empiffrais avec délectation de salades de chèvre chaud, de bœuf bourguignon, de saumon fumé, d’escargots à l’ail, de moules marinières, de confits de canard… mon ventre se plaignait rarement.

Les Français étaient vraiment à la hauteur de leur réputation en ce qui concernait la gastronomie!

Il y avait longtemps que je n’avais pas mangé de pâté chinois, de macaronis aux tomates ni même de pâté au poulet et je ne m’en portais pas plus mal.

Toutefois, une seule chose me manquait énormément… et non, ce n’était pas le sirop d’érable ou le beurre de peanuts. En fait, cette envie persistante avait débuté en face de l’immense comptoir de fromages de l’épicerie…

Devant l’emmental, le gorgonzola, le parmesan, le comté, le brie, le camembert …, l’irrésistible goût d’un bon fromage en grains fondant sous une louche de sauce brune renversée sur des pommes de terre coupées et frites dans l’huile… bref, une bonne poutine, m’était apparu.

Le désavantage avec un goût comme ça, c’est que ça ne passe pas comme ça en un clin d’œil… ça vous poursuit et ça enlève toute saveur à ce que vous avalez, ça vous tient jusqu’à ce que vous le combliez. Je n’avais donc plus aucun choix, le reste de mon séjour en France en dépendait. 

Avant de partir, j’avais quand même prévu que cette dépendance ferait surface, j’avais donc dissimulé une enveloppe de sauce dans une pochette intérieure de ma valise, juste au cas. J’avais besoin d’un fromage doux. En manque de mozzarella, j’optai pour l’emmental qui me semblait le substitut idéal. Et comme je n’avais ni four, ni friteuse, j’achetai des frites congelées dans leur emballage prêt pour le four à micro-ondes.

Je préparai donc le tout et versai la sauce sur les frites extracroustillantes, parsemai de fromage emmental râpé et servi le tout en surprise à mon amoureux qui arrivait du boulot.

« Tadam », lançai-je dès qu’il mit le pied dans la porte.

« Euh… c’est quoi ça? », dit-il en pointant l’assiette, qui je l’avoue n’était pas du tout appétissante. 

« Quelques mois de gastronomie française et tu renies déjà tes origines? Tu me déçois. », lui répondis-je pour plaisanter. 

Nous nous attablâmes et goûtâmes cette préparation… qui était loin de combler ma folle envie et qui ne ressemblait en rien à la poutine délicieusement chaude qu’on vous sert dans un contenant en aluminium chez Ashton!

En résumé, les frites goûtaient le brûlé, on aurait dit qu’un camion de sel s’était déversé dans la sauce et le fromage ne se mariait pas du tout avec le plat, bref c’était une déception.
Devant mon désappointement, mon amoureux me prit par la main. 

« Viens, j’ai une surprise. »

Nous prîmes le métro et malgré mes supplications, mon copain resta muet comme une carpe; impossible de connaître notre destination. Il ne flancha même pas devant les « Oùvaoù? Oùvaoù? Oùvaoù?  » répétitifs. 

Il me fît fermer les yeux et je ne pus les ouvrir que quelques minutes plus tard. 

« Tadam », lança-t-il pour se moquer.

Devant moi se dressait un petit pub canadien. Sur le menu affiché à l’extérieur, on pouvait y lire en grosses lettres « Poutines ».

Avec un peu de chance, elle serait meilleure…

Je regardai de l’autre côté de la rue : un petit bistro français. À travers la fenêtre, je pouvais distinguer les alléchantes assiettes de magrets de canard, de foie gras, de tartiflettes et de tartares…

« Tu sais quoi Chéri, d’la poutine, j’vais pouvoir en manger en masse au Québec… Viens. », dis-je en l’entraînant vers le bistro d’en face.

©Marilyn Préfontaine