lundi 16 mai 2011

Faites la queue!


« Excusez-moi Madame! », lançai-je promptement à la dame qui venait de se lancer sauvagement sur le guichet à peine ouvert du bureau touristique de Bordeaux alors que j’étais arrivée des lustres avant elle. 

À 500 km au sud de Paris, j’aurais pourtant cru que ce serait différent...

Alors que nous, bons petits Québécois, attendons toujours patiemment dans des files d’attente bien droites que notre tour arrive, les Parisiens, eux, avaient décidé il y a longtemps qu’ils avaient bien à mieux à faire que de poireauter à la pharmacie, au guichet ou à la boulangerie.  

La « queue » comme ils l’appelaient, se résumait bien souvent à un « tapon » désordonné pour lequel il était presque impossible d’en comprendre le fonctionnement. Ce chaos ne semblait toutefois gêner personne, sauf les touristes inexpérimentés comme moi.

Habituée à la méthode « premier arrivé, premier servi », j’avais eu beaucoup de difficulté à comprendre les rouages de ce système bien parisien où ici le vieil adage « que le meilleur gagne » l’emportait toujours. Pousser, jouer du coude, dépasser, tout était permis ici pour arriver à vos fins.

J’avais réussi, la plus part du temps, à m’éviter ces positions délicates en sortant en dehors des heures de pointe, mais il restait bien sûr quelques situations inévitables comme l’aéroport. Chaque fois que nous prenions un vol économique où les sièges n’étaient pas préattitrés, je me garantissais un mal de tête assuré et une séance de piétinement par-dessus le marché. Mes yeux arrivaient à peine à croire ce qu’ils voyaient à tout coup : une masse d’individus qui tentaient tous de passer en premier pour s’assurer d’une place de choix pour eux et leurs 8 sacs de voyage. En contrepartie, il m’était toujours facile de reconnaître les vols à destination de Paris, il n’y avait qu’à observer les portes où régnait le désordre. 

« Madame! », repris-je d’un ton sec.

La femme se retourna, un peu abasourdie d’être ainsi interpellée.

« J’étais là avant. », déclarai-je, bien décidée à ne pas me laisser marcher sur les pieds.

« Oh là là, allez-y si vous y tenez tant. De là où je viens, dès qu’un guichet se libère, on s’y rue. », m’informa-t-elle le plus normalement du monde.

« Vous venez de Paris? », ne puis-je m’empêcher de demander.

« Bien sûr! »

« Ça explique tout! », lâchai-je fièrement en la laissant sans mot et me dirigeant vers l’agente qui me regardait avec son plus beau sourire. 

©Marilyn Préfontaine