lundi 4 avril 2011

On trouve de tout, mais pas d’amis!


« Bonjour! », lançai-je joyeusement avec ma bonne humeur naturelle du vendredi après-midi. 

La caissière daigna me jeter un de ces regards qui insinuait que j’étais la pire des demeurées et commença à scanner mes articles avec son air dépressif habituel.


Était-ce si difficile de sourire dans cette ville? Pourquoi les caissières et les serveurs avaient-ils systématiquement toujours l’air de se nourrir exclusivement de vache enragée?

J’avais fait beaucoup d’efforts jusque-là, mais je devais me rendre à l’évidence : j’avais autant de chance d’obtenir un sourire d’un employé d’épicerie que d’être invitée aux prochains Oscars.

J’emballais mes aliments tranquillement dans les sacs au fur et à mesure qu’ils atterrissaient au bout du comptoir quand je m’aperçus que la cadence avait diminué. 

Je me penchai derrière le comptoir pour l’observer et vis qu’elle avait trouvé une meilleure occupation que de scanner mes boîtes de céréales et mes légumes congelés : elle complétait un sudoku!

Elle croisa mon regard surpris, soupira comme une adolescente prise en flagrant délit et continua à passer sans aucune délicatesse, mes aliments judicieusement choisis, sous l’infrarouge.

Je jetai un regard autour de moi, les autres caissières avaient l’air elles aussi plongées dans un état léthargique avancé.

Elles semblaient, ma foi, toutes maladivement dépressives! Si elles avaient vu les conditions dans lesquelles travaillent nos caissières québécoises : debout sur leurs deux jambes, elles se sentiraient sans doute plus privilégiées d’être confortablement assises sur des chaises rembourrées.

Mais c’était tout simplement un air naturel qui se répandait à tous les endroits publics de la capitale. Démontrer une quelconque sympathie pour le client devait être proscrit dans cette ville.

Je me rappelai alors le samedi précédant. Nous faisions un peu de shopping sur Rivoli quand j’avais aperçu une vitrine annonçant des chemises en solde. Mon copain en avait essayé deux, puis avait décidé de les acheter. 

« 74 euros et 65 centimes », avait demandé la dame.

Mon amoureux lui avait tendu deux billets de 50 euros et elle nous avait regardé avec mépris, avant de s’écrier haut et fort : 

« Vous n’avez pas la carte bleue? Vous ne pensez quand même pas que je vais compter? »

En me remémorant cet épisode, je compris que je devais moi aussi, jouer les dures. Terminé les gentillesses, j’allais faire comme eux!

Elle finit de scanner tous mes articles et me remis la monnaie en me grommelant quelque chose d’inaudible. Je pris mon dû, ramassai mes trucs et m’apprêtais à partir quand…

« MERCI quand même, BONNE JOURNÉE! », me lança-t-elle furieuse. 

Je me retournai, les autres caissières me regardaient en secouant la tête.

« Quelle mal élevée! », chuchota l’une d’elles assez fort pour que j’entende.

Bon, j’allais encore devoir changer de supermarché!

©Marilyn Préfontaine