lundi 21 mars 2011

Transport comme un


« Direction Gare d’Austerlitz, prochain train dans 4 minutes, le suivant dans 7 minutes », annonça la voix électronique féminine dans les haut-parleurs de la station de métro.


Je soupirai… QUATRE minutes! Et moi qui n’avais ni bouquin, ni musique pour patienter tout ce temps.  

Je regardai ma montre, j’allais être en retard en plus! Mon copain m’avait donné rendez-vous dans un petit bar du 5e arrondissement.

Après avoir observé les publicités placardées tout autour de moi, analysé le contenu du distributeur de friandises et donné quelques centimes à un itinérant couché à quelques mètres de moi, le train arriva finalement. 

Je fis comme tout le monde et m’approchai pour être certaine d’être la première à sauter dans le métro à l’instant même où les portes allaient s’ouvrir. Mais une vieille dame, se supportant de peine et de misère sur une canne, tentait de s’extirper lentement du wagon et, contrairement aux autres passagers autour de moi, je pris soin de la laisser descendre avant de m’engouffrer à l’intérieur. 

J’entrai finalement à la dernière seconde, avant que le signal ne se fasse entendre. Les portes se refermèrent d’un coup sec et par chance, tous mes membres avaient eu le temps de se glisser à l’intérieur.

Je regardai autour de moi. Zut! Il n’y avait plus de sièges libres. 

Je m’avançai vers le premier poteau érigé au centre de l’allée, mais ne put malencontreusement pas m’y agripper. Un jeune homme d’une trentaine d’années avait décidé de se l’accaparer et s’appuyait de tout son long sur le poteau, ne laissant ainsi plus aucune place pour l’empoigner. Pourtant, il n’était pas aveugle, car il activait ses doigts à une vitesse ahurissante sur l’écran de son iPhone.

Je soupirai et lui lançai mon regard foudroyant, celui qui consistait à plisser mes yeux en fixant ma proie sans broncher et qui avait déjà fait ses preuves plusieurs fois.  

Rien. Nada. Niet.

J’étais ma foi, devenue invisible! Ou alors il croyait dur comme fer être seul dans le métro. Je me repliai donc sur celui derrière où trois personnes étaient déjà attroupées.

Je fis un petit sourire poli que personne ne me rendit, puis tendit la main sur la barre humide; cadeau du passager précédant qui devait avoir, je priai pour que ce soit cela, les mains moites.

Tout autour de cette tige de métal, il y a avait un jeune garçon qui faisait jouer dans son iPod les derniers tubes des Black Eyed Peas si fort que le chauffeur, situé 4 wagons devant,  devait probablement l’entendre et taper du pied. 

En face se tenait un homme à l’hygiène douteuse qui laissait échapper des vapeurs d’alcool chaque fois qu’il bougeait d’un millimètre. Puis, tout juste à côté de moi, une jeune femme début vingtaine tentait de se tenir en équilibre tout en avalant une boîte de biscuits. Elle mastiquait tranquillement ses cookies au chocolat en hochant la tête au rythme de la musique, plus discrète celle-là, qui jouait dans ses oreilles. Elle aurait sans doute été la moins désagréable de mes comparses si ses miettes de biscuit ne s’étaient pas mises à tomber sur la manche de mon manteau. 

Je balayai les graines avec ma main libre, tout en ressortant mon regard foudroyant.

Rien. Nada. Niet.

Je commençais vraiment à croire que je me fondais maintenant entièrement dans le décor et que j’étais devenue imperceptible à l’œil du Parisien qui lui, était seul dans son monde. 

Je m’étirai le cou et j’aperçus que nous étions arrivés à ma station.  

Je pris congé de mes gentils camarades et tentai de descendre du train sans me faire bousculer par les passagers trop pressés d’entrer.

J’arrivai au bar 5 minutes plus tard. J’aperçus mon amoureux au loin, assis à une table et lui fis de grands signes de la main. Il ne me répondit pas et prit une gorgée de la bière qui était posée devant lui. 

Je m’approchai, un peu essoufflée, et glissai une main sur sa nuque. 

Il sursauta.

« Tu m’as fait peur, je ne t’avais pas vu! »

La poisse, j’étais vraiment devenue invisible!

©Marilyn Préfontaine