lundi 21 février 2011

Pardon!


« Pardon… Pardon….PARDON! », m’époumonai-je en tentant de me frayer un chemin vers la sortie du métro. 

J’avais rapidement compris que ce petit terme de deux syllabes était le mot de passe que tout Parisien se devait de maîtriser et d’utiliser s’il voulait survivre dans cette jungle urbaine avec un minimum de civisme.

Je ne savais pas si c’était parce que les Français avaient tant de choses à se faire pardonner, mais c’était LE mot à employer dans toutes les situations de la vie quotidienne.

J’avais d’abord remarqué qu’il était l’ingrédient essentiel pour que toute sortie en métro se déroule sans anicroche. Avec un franc et sincère « Pardon », il était tout à fait acceptable de bousculer les gens pour sortir du wagon intact, et ce, avec classe et politesse. J’avais essayé le « Excusez-moi », mais il n’avait pas eu le même impact et j’étais restée coincée à l’arrière du train entre un carrosse de bébé et une bibliothèque IKEA. Je l’utilisais donc inévitablement chaque fois à bord du métro, vu le nombre impressionnant d’individus qui pouvaient y pénétrer. Il relevait ainsi du défi de se déplacer d’une station à l’autre, sans pour autant heurter le pied, le bras ou la jambe d’un autre passager. Il était donc couramment d’usage de se faire « pardonner », mais aussi de « pardonner » à quiconque vous le demandait.

Puis, j’avais aussi noté que pour se faire servir dans tout bon restaurant ou magasin, il était préférable d’employer le mot magique, à moins d’avoir plusieurs heures devant nous. 

Un peu pressée, j’avais déjà demandé dans un magasin à grande surface : 

« Je cherche le rayon des articles de cuisine. »

Sans même lever les yeux, la vendeuse m’avait répondu :

« Je vous souhaite de le trouver! »

Avant d’adresser une requête à n’importe quel préposé, je débutais donc dorénavant avec un honnête « Pardon? » Tel un « Sésame, ouvre-toi », ce mot m’ouvrait les portes du service courtois. Après tout, ils avaient bien raison : ne m’apprêtai-je pas à les déranger? Peu importe qu’ils soient payés pour le faire ou non… Mieux valait donc se faire pardonner d’avance pour notre impudence.  

Finalement, le mot d’ordre était aussi un raccourci efficace pour dire « Je n’ai rien compris du tout à ce que vous venez de dire, pouvez-vous répéter? » Parce que s’il est vrai que les Français ne comprenaient rien à nos « Y fait don ben frète » « J’ai de la misère à marcher » ou « J’m’en va souper », il nous arrivait aussi plus souvent qu’à notre tour de ne rien comprendre de lorsqu’ils nous poussaient un « Putain, c’est vraiment chelou ce truc de ouf! ».

Bref, à Paris, j’avais compris qu’il valait mieux se faire pardonner nos offenses et pardonner aussi à ceux qui vont indubitablement nous offenser. 

©Marilyn Préfontaine