lundi 28 février 2011

L’addition s.v.p!


Gaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaargl

Oups… mon ventre venait de me trahir. 

Je regardai ma montre : 22h04.

Et nous venions à peine de nous installer dans ce petit resto italien.

Mon sandwich avalé en vitesse sur le coup de midi avait été digéré depuis déjà belle lurette et mon estomac de Québécoise, habitué depuis sa tendre enfance à passer à table à 17 h, ne cessait de m’envoyer des cris d’alerte. 

Nous nous étions « posés » dans un petit bar il y avait de cela quelques heures, pour prendre un verre avec des copains français.

Lorsque l’un deux avait soulevé l’idée qu’on pourrait peut-être bien aller « se faire » un petit resto, je m’étais retenue à deux mains pour ne pas lui sauter au cou en signe de reconnaissance. Mais s’en était suivi un long argumentaire pour le choix de l’établissement : près d’un métro, dans tel quartier, pas de sushi et rien de trop gras. Je ne m’étais pas mêlée de la discussion, puisque mes critères étaient fort simples : qu’il y ait de la nourriture.

Finalement, nous avions opté pour ce petit italien qui avait fini par faire le bonheur de tous.  

Les délicieuses pizzas et les bols de pâtes alléchants avaient bientôt envahi la table et j’attaquai sans plus attendre mon immense pizza couverte de jambon, artichauts et fromage mozzarella.

Puis, une fois que nous fûmes tous bien repus, le serveur vint nous déposer LA facture : une seule et unique addition bien que nous étions six autour de la table!

Alors que de là où je viens, les serveurs demandent toujours en fin de repas : « Je procède de quelle façon pour les factures? », ici, on y va au plus simple. Peu importe que vous soyez deux, quatre ou dix, vous n’aurez qu’une seule facture par table… à moins d’en faire expressément la requête et d’avoir envie de faire face à une horde de mécontentements, de soupirs et de regards méprisants de la part des employés.

Une âme charitable se devait donc de prendre la facture et de calculer la part de chacun… à condition bien sûr que tous se souviennent de ce qu’ils avaient commandé. Lors des soirées plus arrosées, il en relevait davantage de la multiplication que de l’addition et une règle d’algèbre était presque nécessaire pour enfin savoir le montant exact que chacun devait débourser.

Bien que j’étais nulle en math, je me retrouvais bien malgré moi, la plupart du temps, avec ce damné bout de papier entre les mains.

« Alors, tu avais la pizza di Parma avec supplément de fromage et deux bières, c’est ça? », demandai-je à l’un de nos nouveaux copains français tout en gribouillant des calculs sur le napperon en papier. 

« Non, moi j’avais une bouteille de vin avec Florence et c’est Julien qui avait les deux bières et les profiteroles au dessert. »

Mais, ce n’était pas tout. Une fois que tout le monde connaissait son montant, il fallait aussi payer. Je faillis m’arracher les cheveux sur la tête lorsque je vis que l’un payait avec la carte, deux autres avec des tickets restos, puis les derniers en espèces. C’est à ce moment que je découvris la véritable utilité des calculatrices intégrées aux téléphones cellulaires.

Après avoir finalement payé notre dû, nous quittâmes le groupe et décidâmes de rentrer à l’appartement à pied. Il était déjà minuit passé, mais sur notre passage, les salles à manger des restaurants étaient encore remplies.

Tous juste comme nous allions tourner le coin de la rue pour rentrer, une odeur familière parvint jusqu’à mes narines… mon ventre se remit à chanter de plus belle. Tous ces calculs m’avaient franchement creusé l’appétit.

Je regardai mon amoureux en quête d’approbation.

Il leva les yeux au ciel, découragé :

« Vas-y… »

Je couru comme une gamine jusqu’au petit stand, un comme il y en avait tant d’autres, dissimulés en peu partout dans Paris.

« Je vais prendre une crêpe bananes-Nutella! »

« Gaaaaargl », approuva mon ventre. 

©Marilyn Préfontaine