lundi 31 janvier 2011

Vous avez dit "bacon"?


« Bacon, bacon, bacon… », répétai-je à voix basse dans l’allée des viandes froides, comme si l’emballage de bacon frais allait sauter de lui-même dans mon panier. 

Contrairement au Québec où déjà deux ou trois têtes se seraient retournées vers moi, ici, personne ne faisait de cas du fait que j’étais en train de m’adresser à un comptoir de fines tranches de viande inanimée. Peut-être avais-je attrapé le virus qui courrait dans les rues de la capitale française, mais je m’étais mise moi aussi à parler toute seule à voix haute. Comme tout le monde!

Toujours est-il que je m’étais levée ce matin-là avec le goût irrésistible d’avaler un petit déjeuner classique américain : œuf, BACON, toast! À force d’ingurgiter toute cette nourriture sans gras et sans sel chaque jour, mon niveau de cholestérol avait dû descendre en bas du niveau recommandé. J’avais donc un urgent besoin de bacon, mais je n’arrivais pas à en trouver.

Un commis passa et je lui fis donc ma requête. 

Il se gratta la tête et étira lentement, mais sûrement son long bras vers un minuscule petit paquet, puis me le tendit. 

Je le regardai attentivement; la texture ressemblait à du bacon, mais la viande était ronde et ne portait aucune trace de ce gras si inconcevablement délicieux! J’allais lui faire remarquer son erreur quand je vis en grosses lettres noir sur le paquet B-A-C-O-N. Non! C’était de la fausse représentation! 

Il y avait bien les lardons, mais je savais qu’ils ne combleraient pas mes papilles exigeantes. J’entrepris donc de scruter un à un les paquets de viande afin de pallier mon besoin grandissant de gras saturés. Salami, viande de grison, prosciutto, jambon de Bayonne, tranches de poitrines fumées…

Tranches de poitrines fumées? Je pris le paquet entre mes doigts… c’était du bacon!

J’aurais dû me douter, bien souvent les produits sont les mêmes, mais l’appellation diffère. Par exemple, notre yaourt de marque Silhouette arbore ici le même emballage, mais se nomme « Taille fine ». Même chose du côté des produits ménagers. Je n’avais pu m’empêcher de sourire lorsque j’avais remarqué ce personnage familier sur les tablettes. C’était bien lui : le crâne dégarni, portant fièrement sa boucle à l’oreille droite, les bras croisés exhibant ses muscles… mais ici, on l’appelait « M.Propre ». Même la bonne vieille bouteille blanche de « Vim » portait ici le nom « Clif ». 
Je retournai donc à l’appartement, fière d’avoir trouvé ces décadentes tranches de poitrines fumées… Je commençai à préparer le petit-déjeuner et l’odeur de cuisson se répandit dans l’appartement jusque dans les narines ensommeillées de mon amoureux qui roupillait toujours. 

« Hein, du bacon! », s’émerveilla-t-il comme un enfant le matin de Noël.

Je lui servis son assiette : deux œufs tournés, un ordre de toasts et les tranches de poitrines fumées cuites à point… on se serait presque cru un instant chez Normandin.

« Oh, il manquerait juste les « bines », me taquina-t-il.

J’en fus donc mon prochain défi shopping : il devait bien se terrer quelque part dans cette ville, une canne de bonnes vieilles bines dans le sirop d’érable!

Tout de même… peut-être serait-il plus sage de téléphoner à ma mère et de m’en faire livrer une par avion et pourquoi ne pas y mettre en même temps un bon pot de beurre de « pinottes »!

©Marilyn Préfontaine