lundi 3 janvier 2011

Il n’y a pas de fumée sans feu


« Pardon, auriez-vous une cigarette? », me demanda un jeune et bel inconnu dans la station de métro.


« Non désolée, je ne fume pas », lui répondis-je.

Il fonça les sourcils et s’en alla. Bien qu’il n’ait pas eu l’air de me croire, je ne fumais pas. C’était la vérité. Mais je semblais bien être la dernière résidente de Paris à avoir à cœur la conservation de la couleur originale de ses poumons.

Alors qu’au Québec les accros à la nicotine sont bien souvent pointés du doigt et qu’on tente de plus en plus d’éliminer leur fumée toxique de nos aires publiques, Paris, elle, demeure le paradis du fumeur. Les Parisiens peuvent aisément se promener dans la rue, cigarette à la main, sans même recevoir un regard de travers. À l’inverse, si vous n’en grillez pas une, on repérera rapidement que vous n’appartenez pas réellement à cette ville. 

Avec le mélange de smog, de gaz carbonique émanant des nombreuses voitures et de fumée secondaire qui planait sur les rues parisiennes, « aller prendre l’air » prenait une tout autre signification. Il devenait une mission périlleuse d’aller simplement poster une lettre sans avaler une bonne dose de cette émanation nuisible. 

Je me demandais bien si c’était le stress qui enveloppait les rues de la capitale qui faisait en sorte que presque chaque habitant avait ce besoin vital de porter une cigarette à ses lèvres ou si c’était l’évasion qu’elle leur procurait.

Heureusement pour la minorité de non-fumeurs à laquelle j’appartenais, les Français avaient eux aussi imposé une loi antitabac. Bien qu’elle soit beaucoup moins stricte que la nôtre, elle me permettait tout de même de manger au restaurant sans rester collée avec l’odeur persistante de nicotine sur mes vêtements, même après trois cycles de lavage. Les aires publiques étaient donc des zones sans fumée, mais les terrasses elles, demeuraient accessibles aux plus accros des fumeurs. Impossible donc de passer un après-midi au soleil à se prélasser devant une bonne tasse de café sans avoir besoin d’un masque de protection pour faire face à un nuage de fumée toxique. J’avais ainsi compris pourquoi les terrasses étaient constamment bondées, même pendant la saison froide.

Au moins, le Parisien sait à quoi s’attendre lorsqu’il aspire le contenu de ce petit cylindre blanc. Les avertissements sur les paquets ont le mérite d’être clairs : FUMER TUE. Nul besoin d’avoir fait de grandes études à la Sorbonne pour comprendre ce message. 

Après avoir passé un après-midi à changer de table pour éviter la fumée, à m’être fait lancer un mégot sur mes vêtements et à m’être fait quémander dix fois par des gens différents une « clope », j’avais les nerfs à vif. Je comprenais qu’il fallait une échappatoire pour survivre dans cette jungle urbaine. J’entrai dans le dépanneur le plus près et m’achetai… une bonne bouteille de vin!

©Marilyn Préfontaine