lundi 27 décembre 2010

Long comme un jour sans pain


« Une baguette de pain, s.v.p.! », demandai-je joyeusement à la caissière de la boulangerie située tout juste au coin de ma rue. 

Depuis que nous étions arrivés, nous avions rapidement adopté cette habitude typiquement française consistant à acheter une baguette de pain chaque soir. Contrairement à ce que nous, Nord-Américains croyons, les Parisiens ne se promènent pas réellement avec la baguette de pain sous le bras… mais presque. Sortez vous balader en fin de journée et vous verrez ces longs produits céréaliers dépasser des sacs, des cabas et vous en retrouverez bien souvent dans les mains des Parisiens, parfois déjà entamés par ceux-ci qui grignotent en marchant. Le pain demeure à la base de leur alimentation quotidienne.

« Il ne me reste que des traditions, ça sera 1,10 euro », me répondit-elle. 

Merde! Je fouillai au fond de ma poche, mais n’y trouvai qu’un vieux ticket de métro et une pièce d’un euro. Tant pis! Mes spaghettis sauce bolognaise pouvaient très bien s’accompagner d’une tranche de pain « américain ».  

Le matin, nous avions conservé notre coutume canadienne et nous nous étions munis d’un grille-pain. J’avais toutefois été étonnée de découvrir sur les tablettes, du pain 100% mie. J’avais alors ressenti un petit soupçon de jalousie envers les enfants français, car si j’avais connu cela dans mon enfance, je me serais évité bien des « Mange tes croûtes, sinon tu vas arrêter de grandir! » et j’aurais peut-être aujourd’hui quelques pouces en plus! 

 « Ah! Mince, je n’ai pas suffisamment d’argent. Ce n’est pas grave, bonne journée! », lançai-je avant de tourner les talons.

« Attendez! », hurla la boulangère en faisant sursauter tous les clients. « Je ne peux tout de même pas vous laisser partir sans pain », déclara-t-elle, les deux yeux bien ronds, avec un ton tout comme si je m’étais apprêtée à faire la pire folie, tel que sortir en sous-vêtements sur le trottoir. 

Je regardai autour afin de m’assurer qu’elle s’adressait vraiment à moi et je constatai que tout le monde me dévisageait avec une sorte de pitié. Pourquoi en faire tout un plat? Je ne voyais cette baguette que comme un simple « extra » à mon repas, rien de plus. 

Avec insistance, la boulangère décida donc de couper la baguette en deux et de me charger uniquement la moitié du prix. Je sortis donc avec mon demi-pain, un peu déboussolée…
Contrairement au Québec où ce long pain est souvent réservé aux soupers du samedi, voir même uniquement pour la visite dans certains foyers, le pain baguette en France est une véritable institution. 

Dès le petit-déjeuner, elle fait partie de leur journée, il suffit d’un coup d’œil sur les tables des cafés pour s’apercevoir que c’est sur ce pain béni que les Français tartinent leur confiture ou autres délices comme le Nutella. Inutile toutefois de demander du beurre d’arachides, il n’y en a pas. Vous arriverez peut-être à en trouver au supermarché, mais au rayon des produits exotiques : entre la sauce soya et la mayonnaise Hellmann’ s!

Le midi, si vous commandez un sandwich, ne vous attendez pas à retrouver deux vulgaires tranches de pain blanc garnies de jambon et coupées en triangle! Non, vous aurez droit à une longue baguette aux saveurs tellement variées : thon crudités, poulet-mayonnaise, surimi, chèvre, rillettes, de quoi vous faire saliver!

Et finalement le soir, il a sa place réservée au centre de la table, coupé en tranches épaisses. Mais n’allez pas penser qu’il est généreusement tartiné de beurre! Non, le pain ici est si frais qu’il se mange nature. Vous pouvez toujours vous risquer à commander cette matière grasse au restaurant avec votre accent québécois, mais bon… essayez toujours!

©Marilyn Préfontaine