lundi 17 janvier 2011

C’est pour un remboursement!

Mise en situation :


Vous êtes au Québec et faites un achat dans un magasin à rayons. Une fois à la maison, vous vous rendez compte qu’il ne convient pas. Le lendemain, vous retournez au même magasin et allez directement au comptoir « service à la clientèle ». Une jeune caissière vous demande simplement « Ça ne faisait pas? ». Vous vous contentez de répondre « non » ou si le cœur vous en dit, vous en expliquez la raison. Elle vérifie alors l’état de l’objet et vous rembourse sans problème tout en vous souhaitant une bonne journée. Vous serez alors enclin à revenir une prochaine fois.


Évidemment, ce concept était beaucoup trop simple pour Paris….


Comme notre appartement était situé au rez-de-chaussée et qu’il était tout sauf bien isolé, j’avais commencé à en avoir marre de porter un foulard et des mitaines pour travailler. J’avais donc décidé de me procurer un coupe-froid afin de boucher le trou sous la porte qui était responsable du vent glacial qui pénétrait notre petit nid douillet. Le propriétaire ayant évidemment « autre chose à faire », je me rendis donc un mercredi matin dans un grand magasin de Paris où l’on trouve de tout : de la chaussette au tournevis en passant par le chocolat et les parfums.


Ce n’est qu’une fois rendue chez moi que, en raison de mon manque de connaissances en matière de « coupe-froid », je n’avais pas choisi le bon modèle. J’avais toutefois ouvert l’emballage AVANT de constater que ça n’allait pas du tout. Comme il était encore parfaitement intact, je l’avais simplement re-glissé dans son emballage original. Il ne restait qu’à fixer à nouveau l’étiquette cartonnée à l’aide d’une agrafe et ce serait ni vu ni connu. Bien évidemment, je n’avais pas apporté de « brocheuse » dans mes valises, n’y voyant pas l’utilité.

Le lendemain matin, je retournai donc au magasin. En entrant, je vis sur le panneau indicateur :

Remboursement-échange- 2e étage

Je me rendis donc au second plancher. Je trouvai ladite section et annonçai en présentant mon coupe-froid.

« Bonjour! C’est pour un remboursement! »

La caissière prit son look « quelle imbécile celle-là » et se fit une joie de se débarrasser de moi en m’informant :

« Vous devez aller voir directement un vendeur dans la section où vous avez acheté l’article ».

Bien évidemment!

Je redescendis donc à la section « quincaillerie ». Pour ne pas risquer de me tromper à nouveau, je retournai exactement au même endroit où j’avais pris ce maudit coupe-froid. J’interpellai un vendeur qui emplissait les étalages.

« Bonjour ! C’est pour un remboursement », lui dis-je candidement en lui présentant le coupe-froid quasi identique à ceux qu’il était en train de placer.

« Il faut aller dans la section « Isolation » au bout complètement à droite ».

Je croyais rêver! Étais-je prise malgré moi dans une partie de client musical? Je me rendis donc dans la section indiquée, trouvai un commis et lui fis à nouveau ma requête en présentant le coupe-froid.

Il leva les yeux au dessus de ses lunettes rondes.

« Ce n’est pas dans l’emballage original!», gueula-t-il avant de retourner à ses occupations.

Voilà. C’était tout? Je n’allais pas en rester là. Le satané coupe-froid m’avait quand même coûté 32 euros et l’emballage était parfaitement intact.

« Mais Monsieur », l’implorai-je comme une gamine.

« Vous ne savez pas lire? », clama-t-il. « C’est indiqué : dans l’emballage ORIGINAL! », ajouta-t-il en secouant vigoureusement mon article.

« Mais il ne suffit que de mettre une agrafe et c’est tout », dis-je d’une petite voix.

Aussitôt prononcés, je regrettai d’avoir lâché ces mots. Je venais de réveiller la bête…

« Il suffit! Il suffit! », hurla-t-il en m’imitant. « Je ne vais pas commencer à faire ça pour tout le monde! »


Et s’en suivit une longue tirade sur oh combien de boulot il avait déjà, qu’il n’avait pas le temps de faire ça pour tous les clients et que si tout le monde faisait ça, il perdrait un temps fou.


J’étais complètement bouche bée. Je me sentais comme une élève prise à tricher. Tout au long de l’engueulade interminable, je regardai le plancher, puis je jetai un coup d’œil furtif en direction la ceinture à outils qui était accrochée à sa taille. On pouvait clairement y distinguer : une agrafeuse.

Je décidai alors de jouer une carte prudente :

« Je vous comprends Monsieur. Je suis terriblement désolée, je ne recommencerai plus ».

Il me fixa un moment furieux. Puis, je sentis son pouls revenir tranquillement à la normale et la veine qui menaçait d’éclater dans son front disparut.

Il retira vigoureusement la « brocheuse » de sa ceinture, mit deux petites agrafes sur l’emballage avant de me signer un papier et de me le tendre abruptement.

Je lui souhaitai une excellente journée en affichant mon plus beau sourire tout en me retenant de ne pas lui faire remarquer tout le temps qu’il aurait sauvé s’il l’avait fait directement.

Aussitôt mon argent remis, je sortis du magasin en me jurant de ne plus y mettre les pieds! Ce serait à mon Jules de s’occuper d’isoler la porte!


©Marilyn Préfontaine