lundi 29 novembre 2010

« The » attitude parisienne


« Putain! », criai-je.

« Qu’est-ce qui se passe, Chérie? », s’empressa de demander mon amoureux, inquiet.

« J’ai échappé ma tartine sur le parquet et bien évidemment, du côté de la confiture... »

« Ta tartine? Le parquet? », me reprit-il tout en essayant visiblement de retenir un fou rire.

Même si cela ne faisait que quelques semaines que nous étions en sol parisien, j’avais déjà le sentiment d’avoir réussi mon intégration. J’étais maintenant devenue une vraie de vraie parisienne! J’avais fini de jouer les touristes, je connaissais bien la ville et je me fondais désormais dans la masse. J’avais adopté « the » attitude parisienne!

Pour commencer, je ne sortais jamais sans mon « portable » et j’avais commencé à envoyer des SMS. Je disais maintenant vivre « sur » Paris et non « à » Paris.

Le matin nous petit-déjeunions, le midi nous déjeunions et le soir, nous ne soupions plus, mais nous dînions et cela, jamais avant 19 h. 

Le midi, il n’était pas rare que j’aille me chercher un sandwich à la boulangerie du coin, que je mangeais en marchant dans la rue, s.v.p.! 

Je ne faisais plus la file, je faisais « la queue », mais simplement quand ça me disait et mon « chum » s’était maintenant transformé en mon « copain ».

Même si je n’en étais pas fière, j’avais aussi commencé à démontrer régulièrement des signes d’impatience, à soupirer fréquemment, à bousculer les gens dans le métro en omettant de m’excuser et j’avais même poussé l’audace jusqu’à… sauter une douche de temps en temps. Je blague allons! Non pour ça, je ne voulais pas renoncer à mon habitude canadienne.

Mais j’ai vraiment eu la révélation un soir en rentrant à la maison. J’avais fait quelques courses et décidé d’arrêter acheter une baguette à la boulangerie du coin. Mes sacs étaient pleins et mon portable a sonné, je me suis donc surprise moi-même à placer machinalement ma baguette sous le bras! Là, c’était le comble!  

J’avais toutefois été bien avertie par mon oncle avant de quitter mon Québec natal :

« Qu’on te voye pogner l’accent français! Si t’or viens pis que tu parles en trou de cul de poule, on t’ortourne avec un bon coup d’pied dans l’cul ».

Charmant, non?

Malheureusement, il m’arrivait dorénavant bien malgré moi d’ajouter des « e » à la fin de mes mots comme « Bonjoure ». De balancer des « ouais », des « voilà » et des « quoi », une fois de temps en temps, jusqu’à ce beau matin…

« Câlisse!!! »

« Qu’est-ce qui se passe? »

« J’me suis pété l’orteil su’l’ bord de la table! Criss que ça fait mal! »

Comment dit-on déjà ? On peut sortir la fille du Québec, mais on ne peut pas sortir le Québec de la fille!

©Marilyn Préfontaine