lundi 1 novembre 2010

Allô?


« Votre numéro de votre portable, s.v.p. », me demanda gentiment la dame.  


Mon portable? Pourquoi aurais-je mon ordinateur avec moi? Devant le peu de réactions que je lui offrais, elle soupira et me demanda, tout à coup visiblement impatiente :

« Votre mobile? »

Mobile, mobile… ah, elle veut sûrement dire mon cellulaire! Il fallait le dire! 

« Euh, je n’en ai pas », lui annonçai-je.  

Elle fronça alors les sourcils, comme si je venais de débarquer de la planète Mars! 

Je n’avais pas de cellulaire au Québec, alors je ne voyais pas pourquoi j’aurais dû en avoir un ici. Je n’en voyais pas l’utilité, je dirais même plus que j’en avais horreur! Il faut dire que j’avais une aversion pour ce petit téléphone supposément pratique depuis mon emploi de caissière dans un dépanneur lorsque j’étais étudiante. Tous ces clients qui ne se donnaient même pas la peine de raccrocher en passant à la caisse, qui me lançaient l’argent sans même me saluer ou me remercier, ça avait été assez pour m’en dégoutter. J’avais aussi vu quelques-uns de mes amis vider leurs fonds de tiroir et même devoir emprunter de l’argent parce que leur compte de cellulaire avait atteint un solde faramineux! Je m’étais alors juré ne jamais tomber dans le panneau.

Visiblement, à Paris, j’étais la seule… Au Québec, on demande plutôt « Vous avez un cellulaire? ». Ici, c’est un fait établi. Il fait tout simplement partie de l’anatomie du Parisien, tout comme un bras ou une jambe. Demander à un Parisien s’il en possède un serait aussi absurde que demander « Avez-vous des poumons? ». 

Je donnai alors mon numéro de téléphone fixe à la dame, puis elle me tendit enfin la carte de fidélité du magasin en ajoutant : 

« Il y a une boutique Orange* en face, vous devriez peut-être y faire un tour. »

Quel culot! Elle trouvait en plus que mon teint manquait de vitamines?

En rentrant chez moi, dans le métro, au lieu de lire comme j’avais l’habitude de faire, j’observai les autres passagers. Cela me frappa alors de plein fouet;  le wagon scintillait d’iPhone, portables et  BlackBerry de toutes les formes, grosseurs et couleurs inimaginables. Tous en avaient un à la main, sans exception! La vieille dame d’au moins 70 ans, l’adolescent à peine pubère, la femme enceinte, même la jeune fille de 8 ans et la poupée qu’elle portait dans ses bras en possédaient un.

Certains parlaient très fort, comme s’ils croyaient que ce qu’ils racontaient était d’intérêt public. D’autres, à voir la vitesse à laquelle leurs pouces glissaient sur le minuscule clavier de leur engin électronique, maniaient depuis longtemps le texto. Et moi, qui ne savais même pas comment faire pour en envoyer un!

Bien sûr, j’avais aussi remarqué ceux qui portaient l’oreillette : la ville en grouillait! J’avoue qu’au départ, je m’étais fait prendre et j’avais lancé quelques « Pardon? » à des promeneurs dans la rue, pensant qu’ils s’adressaient à moi. Puis, j’avais compris que Paris ne rendait pas dingue et qu’ils dissimulaient tout simplement l’oreillette sous leur tignasse.

En sortant du métro, j’aperçus l’enseigne Orange briller au loin et vis les téléphones cellulaires alignés dans la vitrine. Ah! Je décidai donc d’y aller, juste pour jeter un coup d’œil…

Trente minutes plus tard, j’en ressortais avec mon « portable ». J’étais une des leurs! Devant mon scepticisme du départ, le vendeur m’avait gentiment expliqué qu’en France, on ne paye que pour les appels qu’on loge et non pour ceux qu’on reçoit! Ce qui ma foi, était tout à fait logique! Pourquoi déjà au Québec, paye-t-on pour ceux qui décident de nous appeler?
Mon amoureux ne serait sans doute pas fâché… c’était lui après tout qui avait dit que je devais m’intégrer à la culture française, non?

*Orange est une entreprise de télécommunications européenne qui vend entre autres, des téléphones cellulaires.

©Marilyn Préfontaine